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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

levant, représentée par Gros-Guillaume… Mon cher Bellerose, je suis las de ces choses-là.

— C’est cela, reprit Bellerose, nous t’ennuyons à présent. Tu n’étais pas si fier, il y a un mois, quand je te conduisais aux Pois pilés[1] en compagnie de quelques clercs de la Bazoche ! Mais depuis qu’on te surprend à soupirer sous la fenêtre de quelque dulcinée mystérieuse, je ne te reconnais plus, je te renie ! Je fais fi des amours que le guet vient interrompre !

— Bellerose, dit Charles d’un ton sérieux, crois-moi, je n’ai, ce soir, cœur à rien. Ma conduite fait gémir mon père, elle désole Mariette. Demain, oui, demain, je partirai, et tu n’entendras plus parler de moi ! ajouta Charles avec un soupir.

— Laisse donc ! avec ta figure, l’on est toujours sûr de réussir tu as la mine d’un prince ! Tiens, c’est ce que me disait tout à l’heure encore le capitaine la Ripaille, qui s’y connaît : « Voilà un gaillard qui ira loin ! » affirmait-il devant la belle Maguelonne, le premier sujet de notre troupe. Tu ne connais pas Maguelonne ? je le parie.

— Et que me fait Maguelonne ?

— C’est possible ; mais elle m’a rudoyé à cause de toi. Elle t’a vu l’autre soir, quand je représentais le prince Orondate. Quel magnifique costume ! J’avais des bottines à dentelle de Frise et un pourpoint sang de bœuf. Tout le monde me trouva éblouissant ; oui, mais Maguelonne n’eut, tout le temps de la comédie, des yeux que pour toi… Ma parole d’honneur, tu me fais du tort, c’est moi qui devrais partir ; demain, je déserterai la troupe !

— La bonne folie !

— Écoute donc, nieras-tu que je sois un homme de grand air, et me trouverais-tu, d’aventure, quelque défaut ? Je suis un miroir d’élégance de la tête aux pieds, ajouta Bellerose

  1. Théâtre de l’époque de Henri IV, qui subsista longtemps encore après lui.