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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Voyons cette bourse.

— La voici, Éminence, répondit le médecin en présentant la bourse au cardinal.

— C’est bien cela, murmura le ministre en examinant le carton d’armes gravé sur ce frêle tissu ; d’un côté les armes de Térésina Pitti, de l’autre celles d’Andréa Fornaro, maison altière, ennemie, foyer de trames rebelles et de discordes sans fin ! À celui qui me reprocherait de vouloir combattre l’hydre d’Autriche, le vainqueur de la Rochelle pourrait répondre par cet écusson audacieux du duc et cet exergue Potius mori ! Et cependant Andréa Fornaro mourait l’année même où nous forcions le Pas de Suze, il mourait le jour où je déjouais mes ennemis ! Deux ans auparavant, Chalais avait eu la tête tranchée ; le comte de Soissons, conspirateur plus heureux que Chalais, se sauvait à Rome. Oui, mais le duc de la Vallette, mais Montgaillard, et, bien avant eux, ce Concini, qui était aussi un Italien. Il faut que je voie cet homme à l’instant, dit Richelieu d’un ton bref.

— Permettez, Éminence, savez-vous d’abord ce que vous voulez faire de la duchesse ?

— Ce que j’en veux faire ? répondit le cardinal dont les doigts crispés s’allongèrent en ce moment comme ceux du tigre longtemps endormi, écoute et tremble !

Le docteur recula son fauteuil par un mouvement instinctif, le cardinal était si pâle, qu’il en eut peur.

— Docteur, reprit-il, tu m’as prévenu trop tard ; quelqu’un t’avait devancé.

— Et qui donc, monseigneur ?

— La duchesse elle-même, regarde !

Le docteur vit alors le cardinal entr’ouvrir sa simarre avec précaution ; il en tira un papier, le déploya et le lut lui-même d’une voix tremblante. Il était ainsi conçu :

« Monseigneur, celle qui vous écrit n’est déjà plus en votre pouvoir. La duchesse de Fornaro s’est placée d’hier sous la protection de la reine, qui l’aime et vous hait. Elle