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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

reine mère ! Apprenez donc, monseigneur, que l’un de ses émissaires, rencontré ce soir même par moi, ne me parait pas être venu pour rien à Paris.

— De quel homme voulez-vous parler, docteur ? demanda le cardinal d’un ton radouci, mais dans lequel ne perçait que trop son trouble.

— D’un certain Pompeo dont Votre Éminence doit se souvenir. C’est lui qui attaqua à main armée, il y a quinze ans, les dépêches que vous faisiez passer alors au marquis de Cœuvres. Vous veniez d’entrer au conseil, la reine mère vous avait créé ministre. Le duc de Savoie et la république de Venise voyant avec quelque inquiétude les Espagnols maîtres de la Valteline, avaient fait une ligue avec la France pour le recouvrement de ce pays. Le marquis de Cœuvres avait le commandement de ces troupes. Vos conseils lui épargnaient les obstacles suscités par l’Espagne, vos dépêches ou plutôt vos instructions lui traçaient la marche à suivre. Un homme hardi, un homme appuyé, payé même par la maison d’Autriche, s’en empara près de Parme.

— Oui, cela est vrai, reprit Richelieu ; mais cet homme fut puni, j’obtins du tribunal de Florence qu’il serait enfermé à tout jamais, par forme d’exemple, dans l’un des cachots du palais Strozzi. Tu vois que je fus humain, car à ma place, d’autres l’eussent fait décapiter sur le pont du Saint-Esprit. Tu dis donc qu’il s’est sauvé ?

— Je dis, Éminence, qu’au seul tintement de cette sonnette, vous le verrez apparaître en ce cabinet.

Le cardinal fit un bond.

— Es-tu donc magicien ?

— Peut-être.... Cet homme a été rencontré par moi et Jaquet, l’un de vos sbires, au cabaret de la Pomme de pin ; une bourse aux armes de la duchesse a été saisie entre ses mains, nul doute qu’il ne puisse nous donner des renseignements sur la vie mystérieuse que mène à Paris la duchesse de Fornaro.