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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Gervais. Le froid était vif ; l’un des deux masques marchait devant l’Italien, l’autre le suivait avec un falot projetant d’inégales lueurs sur le pavé.

Arrivés devant l’Hôtel de Ville, les deux masques s’arrêtèrent. Ils hésitaient à suivre la longue ligne des quais ou à couper en biais par les rues qui aboutissaient au quartier Saint-Honoré.

— Où me conduisez-vous ? leur demanda Pompeo.

— Au Palais-Cardinal, où nous attend Son Éminence.

— Quoi ! Son Éminence veut bien se mêler de pareilles bagatelles ! objecta Pompeo avec un rire contraint.

— Son Éminence s’est réservé le droit de souveraine justice en ce beau royaume ; c’est à elle seule que vous répondrez, dit à Pompeo le premier masque, en lui montrant, à la clarté du falot, la bourse qu’il examinait.

— Par ma foi ! reprit Pompeo, je ne croyais pas qu’on pût faire tant de bruit pour une bourse !

— Connaissez-vous le blason ? savez-vous quelles sont ces armes ?

— Non, de par le diable ! j’attache fort peu de prix aux distinctions. Peu m’importent les broderies d’un sac d’écus, c’est le fond qui m’intéresse. Permettez-moi seulement de vous dire, messieurs, que vous récompensez mal en ma personne le mérite et le courage. De quoi s’agit-il, en effet ? D’une dame que j’ai sauvée, et qui m’a donné ce que tout à l’heure on m’a repris.

— L’argent d’un accusé, mon honorable seigneur, appartient toujours à la justice.

— Oui, comme la sacoche du passant revient au voleur, dit Pompeo avec ironie.

— Seigneur Pompeo, reprit le masque, connaissiez-vous cette dame ?

— Pour la première fois, ce soir, je viens d’entendre prononcer son nom.

Les deux masques et Pompeo avaient pris le chemin par les rues, comme le plus court ; ils passaient alors devant