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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

ton d’autorité rappela Mariette à elle-même ; la jeune fille jeta quelques mots à l’oreille de l’Italien ; ils pouvaient se résumer par cette prière :

— Ne me trahissez pas, je vous dirai tout.

L’inconnu attacha son regard clair sur Mariette ; il se rappela, tant l’homme est enclin malgré lui à soupçonner, le mystérieux cavalier que Saint-Amand et lui avaient vu entrer par une issue secrète du cabaret avant qu’ils y eussent posé le pied.

— Pauvre enfant ! se dit-il, c’est peut-être un soupirant qu’elle protège ? Que ne se montre-t-il, après tout ? il n’y a pas si grand mal à recevoir une bourse d’une dame pour avoir pris sa défense ! Si toutes celles que j’ai reçues, hélas ! dans ma vie…

Et l’Italien roula le tissu de la bourse entre ses doigts. Un sourire amer se fit jour sur son visage.

— Allons, murmura-t-il, le sort en est jeté d’un côté je sauve Mariette, et de l’autre je saurai ce qu’est cette comtesse Alvinzi !…

Et posant la bourse sur la table devant le capitaine de ronde, il s’écria d’un ton résolu :

— Eh bien oui, monsieur, c’est à moi que la comtesse Alvinzi a jeté cet or ! Disant ainsi, il vida la bourse sur la table…

Saint-Amand le regarda faire avec stupeur. Au milieu des nuages confus de l’ivresse, il crut assister à quelque scène jouée par un comédien inconnu.

Au moment où le capitaine de ronde considérait le double canton d’armes gravé sur la bourse, le masque qui s’était approché de lui l’examina aussi avec attention par-dessus son épaule. Il tira alors un petit bâton d’ébène et d’ivoire. Le capitaine de ronde devint pâle et s’inclina. L’autre masque avait rejoint son compagnon.

— Cette bourse est à nous, dirent les deux masques au capitaine de ronde, et cet homme doit nous suivre !

— Moi, moi ! messeigneurs, balbutia l’étranger.