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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Alvinzi… murmura l’Italien à part lui ; c’est bien le nom que le passeux m’a dit ce soir… Oh ! oui… cette femme…

— Pour ce jeune homme, ajouta le capitaine en désignant du doigt à Philippe Gruyn celui qui venait d’entrer, je n’ai pas besoin de vous apprendre qui il est. Nous l’avons trouvé tout proche d’ici, arrêté sous les fenêtres de ladite dame ; il attendait peut-être la rentrée de son carrosse ; or, la nuit un galant ressemble à un voleur ; nous l’avons donc poursuivi. Il suffira qu’il se réclame de vous… de son père… Reconnaissez-vous, sous ces habits de gentilhomme, Charles Gruyn, votre fils ? demanda le capitaine en riant.

— Je ne le reconnais que trop… capitaine… soupira le cabaretier. Un enfant qui n’est bon qu’à me donner du chagrin ! un coureur, un larron de nuit !… N’as-tu pas de honte ajouta maître Philippe en montrant le poing à son fils.

— Mon père… dit le jeune homme en contenant mal son dépit.

— Qu’allais-tu faire à cette heure indue ? réponds.

— Jeune homme, il est de fait que vous êtes dans votre tort reprit la Ripaille, qui, devant au tavernier nombre de brocs payés aux gendarmes rouges en ce lieu de plaisance, jugeait prudent de se ranger du côté de maître Philippe.

— Monsieur le capitaine, répondit Charles Gruyn, je ne vous ai point, je pense, adressé la parole.

Cette phrase fut dite d’un ton si net, si profondément empreint de fierté, que le capitaine resta interdit. Il n’osa poursuivre, tant l’air et la figure de Charles Gruyn commandaient alors la déférence aux plus mal intentionnés.

C’était un garçon d’une belle venue, comme on dit communément ; il avait les dents blanches et le sourire fin, la taille bien prise, le front élevé, les yeux vifs ; seulement on remarquait chez lui un grand fonds de mélancolie… il était âgé de vingt et un ans.

Contre l’habitude des gens de sa classe, le fils du caba-