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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

dans ses traits, il semblait en proie à un combat violent avec lui-même.

— Sans ces lettres d’Italie que je tiens là… murmura-t-il ; mais quelle apparence que la duchesse… Elle est à Ferrare, oh ! oui. N’importe. Il pourrait se faire… Ne savez-vous rien de plus, maître Gérard ?

— Rien, mon gentilhomme, et c’est déjà vous en avoir trop dit… mais comme vous allez être discret pour longtemps…

— Gérard, reprit l’étranger en se levant subitement, il faut que tu me montres cette cassette…

— Cette cassette ? répondit Gérard, impossible…

— Encore une fois, je veux la voir.

— Et moi, je ne dois la rendre qu’à celui qui se présentera de la part de la comtesse Alvinzi… C’est le nom que m’a laissé cette dame.

— Alvinzi !… ce n’est pas elle, balbutia l’inconnu en retombant sur sa chaise avec accablement.

Il demeurait terrassé ; de longues gouttes de sueur humectaient ses joues… Il passa une main rapide sur son front et demanda au passeux s’il était prêt.

En ce moment même, la porte de la cahute se vit ébranlée violemment, et un nouveau personnage, poussant des éclats de rire immodérés, la chevelure et le baudrier en désordre, entra dans l’unique chambre de maître Gérard.

Cette figure grotesque, enluminée des tons les plus chauds, contrastait dès l’abord d’une façon si frappante avec celle de l’Italien, que tous deux se regardèrent. Ce visiteur nocturne était certainement aussi inattendu que l’autre chez maître Gérard…

Il était couvert de boue de la tête aux pieds, et semblait, à vrai dire, sortir plutôt d’une ornière que de la chaussée… Une oscillation perpétuelle imprimée à tout son corps donnait à penser qu’il revenait alors de quelque joyeux repas où il avait splendidement fêté Bacchus ; son panache était