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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

Tous deux demeuraient immobiles, baignés de larmes. Tout d’un coup, Mariette, qui s’était approchée de la vitrine, poussa un cri : on venait de détacher le corps de maître Philippe, et quelques porteurs allaient le déposer dans la grande salle.

Les murmures du peuple, au lieu de s’éteindre, paraissaient alors s’accroître.

On pouvait entendre, à travers les fenêtres, des cris de menace et de vengeance.

— Mort à l’assassin ! mort au fils de maître Philippe !

Ces cris forcenés paraissaient surtout sortir d’un groupe dont un masque noir occupait le centre. Son capuchon était rabattu, sa parole brève, sifflante. Ceux qui l’avaient vu dans le bal s’en écartaient ; ce masque, c’était Samuel.

Cependant les cris devenaient plus fréquents et plus intenses.

— Ne les entendez-vous pas, murmura Charles, c’est moi, qu’ils demandent, moi qu’ils poursuivent… À quel autre qu’à moi pourraient s’adresser ces cris, Mariette : Mort au parricide ! à l’assassin !

La foule obstruait alors en effet les abords du cabaret.

— Mariette, dit Charles par un mouvement d’irrésistible frayeur, Mariette, sauve-moi !

Charles n’était alors qu’à deux pas du corps, dont une porte vitrée, couverte d’un méchant rideau, les séparait.

Il souleva ce voile d’une main glacée par la peur, et il put voir son père étendu sur une table… Le lieutenant criminel dictait son rapport à ses greffiers.

En ce moment, la lampe placée sur le comptoir s’éteignit, et Charles, en proie au vertige, crut voir s’agiter les lèvres du mort…

— Fuyons ! dit-il à la jeune fille en l’entraînant.

Après avoir gravi tous deux l’escalier, ils entrèrent dans la première chambre qui s’offrit.

C’était celle du vieillard, chaque meuble y luisait de son