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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

en faut de neuves ; quand la futaille est mauvaise, il lui faut un autre cercle. Ce proverbe-là, vous devez le savoir mieux que tout autre, vous.

— Insolent il ne tient qu’à moi de te faire jeter à la porte par mes valets. Est-ce là tout ce que tu avais à me dire ? reprit Charles avec un mouvement de colère et de dédain.

— Monseigneur, ou monsieur le comte, dit Pompeo en commençant par s’installer dans un bon fauteuil, causons.

— Encore !

— Oui, causons, vous dis-je, c’est pour causer avec vous que je suis venu.

Disant ainsi, Pompeo s’éventa d’un air de prince avec la plume de son feutre. Une terreur secrète liait la langue et les bras de Charles ; par un mouvement machinal, lui-même prît un siège et il s’assit.

— Monsieur le comte, ajouta l’Italien, le choix de l’heure est pénètre indu, mais je n’en suis pas le maître. Une simple question. Êtes-vous bien d’abord le comte de San-Pietro ?

— Une pareille demande !…

— Est nécessaire, monseigneur, quand vous saurez vous-même le sujet qui m’amène. J’ai connu, il y a vingt ans, un comte de San-Pietro qui fut pendu… ce ne peut être vous… j’en suis certain. Je vous accorde donc que vous êtes le comte de San-Pietro.

— Monsieur !…

— Attendez… j’avais besoin de savoir cela et de bien m’édifier à l’avance ; la proposition que j’ai à vous faire étant des plus sérieuses…

— Parlez.

— Monseigneur, êtes-vous marié ?

— Que vous importe ?

— Il m’importe beaucoup, puisque j’ai un hymen en vue pour vous.