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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

barque pour côtoyer les îlots de la Seine. Peu de seigneurs frappaient en hiver à sa cabane isolée.

— Eh bien ! ne m’avez-vous pas entendu ? poursuivit l’Italien, je vous prie de me dire où reste maître Gérard ?

— Mais… à cette hutte sur la Seine, répondit l’un d’eux en indiquant du doigt à l’Italien une sorte de cabane revêtue de mauvais ciment, et au pied de laquelle une barque était amarrée.

Cette habitation chétive faisait face à l’Arsenal.

Il se racontait sur ce lieu de sombres et tragiques histoires. Une fatalité étrange, mystérieuse, voulait que vers cette pointe de l’île nombre d’imprudents ou de malheureux eussent trouvé la mort, les uns en se noyant, d’autres en s’étant battus en duel malgré les édits, car pour les duels ce terrain écarté était commode.

L’Italien prit à peine le temps de remercier son homme, et il se dirigea d’un air résolu vers la cahute.

Dix heures sonnaient alors à l’église des Célestins ; le froid était vif, notre personnage doubla le pas.

La demeure du passeux de l’île aux Vaches laissait à peine échapper un jet de lumière… L’abord en était silencieux comme l’abord d’une tombe.

— Maître Gérard ! cria l’inconnu d’une voix ferme.

En appelant ainsi, il se trouvait à deux pas de la cahute ; l’unique porte de ce gîte noirâtre s’ouvrit.

— Que me veut-on ? demanda d’une voix fêlée un petit vieillard qui tenait en main une lanterne.

— Tu vas le savoir, mais d’abord prends.

Maître Gérard recula d’un pas, en sentant le poids de quelques écus tomber dans sa main.

— Entrez, mon gentilhomme, entrez, dit-il au nouveau venu.

L’Italien descendit dans la cahute du passeux en s’y laissant couler le long de la corde qui formait sa rampe.

Il ne tarda pas à se voir dans une pièce lambrissée de