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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

— Et elle en aura fait son intendant, comme il a fait le sien de Bellerose.

— Oh non ! c’est impossible, répondit Mariette ; cette femme est la sienne… C’est la comtesse de San-Pietro !

— Encore une fois, Mariette, comédie que tout cela ! Le monde est un grand bal, je vous l’ai dit. Comment supposer qu’une femme de naissance…

— Ah ! c’est que vous ne savez pas tout, non plus, cher Pompeo. Il l’aimait déjà avant son départ, cette femme, et moi qui vous parle, moi, je pouvais les perdre, je ne l’ai point fait. Tout autre que Charles m’eût voué dès lors sa vie, dit Mariette en pleurant.

— Sauvée, dites-vous, sauvée par vous d’un péril ! Expliquez-vous, reprit Pompeo avec insistance. Quel était ce danger ? Parlez…

L’œil de Pompeo était devenu scrutateur.

— C’est mon secret, reprit Mariette avec effort ; non, je ne puis rien vous dire.

— Un secret pour moi, un secret pour votre ami, dit Pompeo en prenant les mains de la jeune fille. Allez, Mariette, je vois bien que vous ne m’aimez pas.

— Vous vous trompez, Pompeo ; mais ce secret, je ne dois le confier à personne, il importe à la sûreté de Charles. Contentez-vous de savoir, ajouta Mariette, que ce n’est pas la première fois que j’ai sauvé cette femme… Un soir que je portais ces mêmes habits, il y a de cela un an, je rencontrai la litière d’une grande dame assaillie par quelques gens de mauvaise mine, près du cabaret de la Pomme de pin. L’effroi les saisit en me voyant fondre sur eux à l’improviste l’épée à la main ; ils prirent la fuite. Les rideaux de la litière s’ouvrirent alors, une main me jeta une bourse ; cette bourse, c’était celle que je vous prêtai chez maître Philippe ; cette femme, c’était celle que Charles aimait !

— Cela est étrange, dit Pompeo. Et cette dame, vous ne saviez pas son nom ?

— Je l’ai toujours ignoré.