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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Pompeo s’arrêta en voyant les yeux de celle qui l’écoutait s’obscurcir de grosses larmes…

— Qu’avez-vous donc, enfant ? lui demanda-t-il d’un son de voix pénétré ; qu’est-ce donc ? que vous a-t-on fait ? Le misérable qui vous a écrit, l’avez-vous vu ? vous aurait-il sali de son aspect, vous la seule fleur qui ne doit être visitée que par les anges ? Ah ! je jure par cette épée…

Arrêtez, dit Mariette, ce n’est pas de cet homme, votre ennemi, de cet homme qui m’est inconnu que je viens ici vous parler.

— Et de qui donc ?

— Du comte de San-Pietro… je veux dire de Charles Gruyn, répondit Mariette avec un soupir.

— De Charles Gruyn, avez-vous dit ? Eh bien, qu’a-t-il fait pour que je vous voie ainsi en larmes ? Vous l’aimiez, je le sais, ma pauvre Mariette, et cela était tout simple. Vous aviez été élevée avec lui, il vous avait dit qu’il vous aimait. Maintenant qu’il s’est fait de son plein droit comte et seigneur, il ne vous aime plus, n’est-ce pas ? c’est le train du monde. Voilà ce que vous veniez me dire sans doute, ô ma gentille et douce Mariette ! Rassurez-vous, il était indigne de tant de bonheur.

— Oui, mais moi je l’aime toujours, reprit la naïve enfant, je l’aime et il m’a brisé le cœur !

— Que vous a-t-il dit ? Contez-moi cela, poursuivit Pompeo en se rapprochant de Mariette avec intérêt.

— Il ne m’a rien dit, reprit-elle, mais je sais tout. D’abord, il est vraiment le comte de San-Pietro, et c’est bien pour lui que vous avez dirigé les travaux de cet hôtel vis-à-vis de notre maison… Un page en belle livrée l’a appelé de ce nom, et devant moi.

— Un page sifflé par lui comme un perroquet, la belle raison !

— Puis il est revenu en ce lieu avec cette femme… cette femme qu’il aimait, cette grande dame dont je vous ai parlé tant de fois.