— Quelque seigneur ou un marinier, dit Mariette. La nuit est sombre, cependant, et on ne chante guère en ce lieu-ci.
— Mariette, reprit Charles, je dois partir ; laisse-moi regagner l’hôtel de l’île, on m’attend.
— Je ne vous quitte plus, répondit Mariette ; non, je dois vous suivre, m’attacher à vos pas ! Cet hôtel, vous ne pouvez l’habiter. À quel titre ? Oh ! revenez, ami, revenez à moi ; je tremble, je ne sais pourquoi, de vous laisser seul. Les paroles de ce chanteur inconnu m’ont toute glacée. N’avez-vous pas hâte, d’ailleurs, de revoir votre bon père ? Vos larmes, vos remords, les foulerez-vous à vos pieds ? Répondez-moi ! Jugez de sa surprise ; il ignore votre retour, il a fallu qu’un mystérieux avis me prévînt que vous arriviez ici sous un autre nom. Je ne lui dirai rien de cette entrevue, je vous le promets.
— Et de qui donc était cet avis ? demanda Charles troublé, en s’acheminant dans la direction de l’hôtel avec Mariette, qui cherchait en vain à le retenir.
— D’un ami, sans doute. Hélas ! je n’en ai qu’un ; oh ! vous le verrez bientôt.
— Mariette, reprit tout à coup Charles Gruyn, laissez-moi ; n’apercevez-vous pas ce page en livrée qui vient à nous ?
— Il est facile de voir, à son pas et aux oscillations de torche, qu’il marche vite.
— Oui, il a sans doute à me parler. Je le reconnais, c’est Cesara !
Cesara, le page de la comtesse, s’approchait en effet de Charles ; son visage portait l’empreinte de l’inquiétude, son cœur battait si vite qu’il ne put d’abord parler.
— Accourez vite, monsieur le comte, dit-il enfin, la comtesse de San-Pietro vous attend !
— La comtesse de San-Pietro ! murmura Mariette d’une voix faible. Marié, il est marié !
Et elle appuya sa main défaillante sur le parapet du