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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

dame à sa chambre à coucher, elle a besoin de repos.

À peine arrivée dans cette pièce radieuse, Teresina se laissa tomber avec accablement dans un fauteuil. Elle ne donna pas même un coup d’œil aux riches dorures ; ses genoux, sa voix tremblaient…

— Je veillerai près d’elle cette nuit, dit Charles à son confident d’un air alarmé ; la fatigue de la route, l’orage peut-être… Tu n’as rien à me remettre ?

— Pardon, monseigneur, fit Bellerose en s’inclinant d’un air narquois, à peine arrivé on court après vous. Voici un billet qu’un jeune page, Je feutre mystérieusement rabattu sur son visage, m’a apporté. Prenez-y garde ! les Italiennes une fois jalouses sont plus à craindre que la tempête de cette nuit, plus cruelles et plus implacables dans leur vengeance qu’un ministre !

— Trêve de paroles, et donne-moi ce billet.

Le comédien obéit, et remit à Charles le papier enfoui soigneusement sous son pourpoint.

— À demain, dit-il, et que votre étoile vous protège ! Sous ces plafonds d’or, les rêves doivent être de lis et de roses. Votre intendant sera à vos ordres.

À peine Bellerose venait-il de sortir que Charles ouvrit le billet.

« À huit heure du soir, y était-il dit, trouvez-vous, monsieur le comte, à la place de l’ancienne cabane du passeux ; je vous y attends. Rappelez-vous votre pacte. »

Pour toute signature, le billet portait :

« Le cavalier au masque bleu. »


— Voilà qui est étrange, pensa Charles.

Il se promena à grands pas quelques secondes, repassant en lui-même des souvenirs accablants sans doute, car la sueur commençait à mouiller ses tempes.

— J’irai, s’écria-t-il en se redressant enfin, j’irai !