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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

fois il reprenait une sérénité joyeuse. Sa poitrine battit bientôt avec force, elle étendit les mains, puis elle les laissa retomber en murmurant une suite de mots confus.

— Charles s’écria-t-elle enfin avec un effort singulier, Charles devant moi… lui, Charles !…

Et elle semblait étreindre, appeler vers elle quelque fantôme invisible. Peu à peu la voix se sécha dans son gosier, peu à peu le sommeil ressaisit ses droits sur elle. Pompeo écoutait encore avec avidité le bruit de son souffle ; il se penchait sur son front, quand il lui sembla qu’on l’appelait lui-même dans la rue.

L’Italien crut d’abord s’être trompé. La voix prononça de nouveau son nom, il entr’ouvrit la fenêtre.

— Pompeo, dit la voix, j’ai oublié de te donner un conseil. Tu as aimé Teresina Pitti dont le duc de Fornaro a fait sa femme, défie-toi maintenant de la comtesse de San-Pietro !

L’Italien avait reconnu cette voix assourdie sous le masque ; il allait courir à la recherche du ténébreux personnage, quand il s’aperçut qu’il s’était déjà enfoncé dans l’une des ruelles transversales à la rue des Nonaindières. En ce moment, le jour bleuâtre frappait les vitres de la chambre de Mariette, la lampe suspendue au-dessus du lit venait de s’éteindre.

— Il est temps de partir, murmura Pompeo, il est temps de s’arracher de ce lieu où dort mon bien le plus cher. Adieu, Mariette, que les anges du ciel veillent sur toi, qu’ils me conservent ma fille ! Moi, je dois songer à tromper la perfidie, et la haine qui me poursuivent ! Oh ! la vie m’est précieuse, maintenant que j’ai un enfant ; la quitter ici, n’est-ce pas déjà mourir ?

Des larmes abondantes s’échappaient des yeux de Pompeo, il regardait Mariette dans un silence plein d’angoisses et de frayeur, il ne voyait pas sans une mortelle tristesse l’aube grandir et s’accroitre sur les murs de la petite chambre. Un morceau de glace, un pot de fleurs, misérable vase