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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

— Oui, certes, et je le prouverai, répondit l’autre. Si cela vous agrée, monsieur, et que vous désiriez tuer le temps.

— Comme il vous plaira, dit l’Italien, qui se mit en garde.

Les deux champions venaient de croiser à peine le fer, que Pompeo désarma le capitaine d’un revers élégant et ferme à la fois. La Ripaille, furieux, ramassa la gigantesque et attaqua vigoureusement son adversaire.

Accoutumé depuis longtemps à ces passades, Pompeo se défendait en décochant de temps à autre d’ironiques compliments au capitaine.

— Bien, très-bien ! disait-il ; la main plus à droite, les ongles en dessous. Tudieu, quel bras ! vous voulez donc me tuer ?

La Ripaille, exaspéré, allait peut-être se ruer à tout hasard sur Pompeo, quand tout d’un coup des casaques rouges des gardes du cardinal apparurent au bout de la rue des Bons-Enfants.

— Alerte ! cria Pompeo, sauve qui peut !

— Par ma foi ! voilà qui est un peu fort, s’écria le commandant de l’escouade en se saisissant de l’un des combattants qui venait de rouler sur le pavé ; se battre ici malgré les édits, ici même… sous les fenêtres du cardinal ! Faites votre devoir, messieurs les archers, et vous, pas un mot, sinon, vous aggravez votre faute, ajouta le commandant au coupable.

Ces paroles à peine dites, l’escouade environna le délinquant et l’entraîna. Pendant ce temps, son rival avait eu le temps de se blottir derrière un pilier dans l’ombre épaisse que formait le cintre de la petite porte basse.

Les ténèbres profondes qui entouraient cet endroit ne permirent pas au commandant des archers de croire que quelqu’un y fût caché ; satisfait de sa prise, il se contenta de s’éloigner en disant :

— Il faudra bien que celui-ci nous apprenne le nom de son complice.