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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

— Au ! diable dit Pompeo, vous vous méprenez, mon cher.

— Pardon, monseigneur, je ne me méprends pas… nous voici bien tous deux devant la porte basse.

— Eh bien ! qu’y a-t-il ? que me voulez-vous ? Je vous préviens que je n’aime pas que l’on marche sur mes talons.

La Ripaille commença à croire qu’il était la dupe de quelque mauvaise plaisanterie.

— Monsieur, reprit-il, comme la personne qui m’a parlé hier soir portait un masque, j’aurais peine à affirmer que ce soit vous. Cependant vous trouverez bien que je continue à attendre ici, car j’ai affaire.

Disant ainsi, le capitaine se mit à siffler lestement un air de chasse.

— Ce drôle me déplaît, pensa Pompeo. Serait-ce d’aventure un espion du cardinal ? Je vais lui faire quitter la place, mordieu ! ou alors nous allons voir !

Si le capitaine était furieux de se voir joué, Pompeo, de son côté, trouvait ses allures matamores hors de saison ; ils se regardèrent dans les demi-ténèbres comme deux chats courroucés.

— Ainsi, reprit Pompeo, vous prétendez demeurer ici obstinément ?

— Ici comme ailleurs, dit le capitaine ; la rue est, je pense, à tout le monde.

Et il se remit à se promener sur les chausses de Pompeo.

— Monsieur, dit l’Italien en faisant voltiger quelques étincelles du pavé avec la lame de son épée à coquille, voulez-vous voir, une fois dans vôtre vie, une lame de Burgos ?

— Monsieur, reprit la Ripaille, cette colichemarde que je vous présente, vient du fourbisseur de l’arche Marion. Elle n’en est peut-être pas plus mauvaise pour cela.

— On nomme la mienne la victorieuse, dit Pompeo.

— Et la mienne la gigantesque, objecta le capitaine.

— Êtes-vous de qualité ? demanda Pompeo en toisant la Ripaille avec dédain.