Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome1.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

— Je ne viens point ici, mon cher Pompeo, admirer de stériles magnificences. Un danger réel me fait accourir vers vous ; voici de quoi il s’agit. Depuis qu’on vous sait absent de notre maison, vous qui m’y protégiez par votre seule présence, des gens suspects rôdent jour et huit à ses alentours. Cette insistance étrange effraye mon père ; il existe surtout certain cavalier masqué dont il n’a pu sonder jusqu’ici les intentions. Ce mystérieux visiteur humecte rarement ses lèvres du vin que je lui verse ; seulement, dois-je vous le dire, son seul regard m’effraye à travers les trous de son masque ; il en veut peut-être à mon honneur, à ma vie. Toutefois, son silence ne me laissé rien entrevoir de ses projets ; j’ai remarqué seulement qu’il examinait avec une attention scrupuleuse la porte de la chambre où je dors chez maître Philippe. Le capitaine là Ripaille, retenu chez lui par une blessure dangereuse, n’a point apparu depuis longtemps au cabaret ; mais j’ai su de son valet Mardochée que ce damné masque s’étonnait des préparatifs somptueux de cet hôtel, dont vous dirigez l’exécution. Il a ajouté que cet inconnu lui paraissait être de le police, et qu’il craignait bien, pour sa part, qu’au premier jour elle ne vînt faire une descente à la Pomme de pin. Ceci m’a rassurée quelque peu en voyant qu’il n’était pas question de moi, et que ce prétendu séducteur ne cachait qu’un espion… Mais j’avais chez moi certain dépôt… Et tenez, reprit Mariette, en tirant un coffret de dessous sa mante, je vous l’apporte. Il sera plus en sûreté dans cet hôtel que dans la maison de mon protecteur, de mon père.

En même temps, Mariette remit à Pompeo un coffret de bois de sandal.

— D’où tenez-vous ce coffret ? demanda l’Italien dès qu’il en eut vu seulement l’écusson en forme de cœur.

— C’est mon secret, répondit la triste enfant ; j’ai trouvé ce dépôt dans des circonstances que je ne puis me résoudre à vous faire connaître. Comme ce coffret avait sa clef, je fus bien tentée de savoir ce qu’il contenait ; jugez de mon