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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

Dominique Cortone, employé à l’Hôtel de ville par Henri II, du Bernin et de vingt autres attirés ici par les Valois ou madame Catherine, combien de nos ouvriers ne se sont pas inspirés aux sources d’Athènes et de Rome ? Au rang de leurs élèves militant déjà des noms glorieux, c’est à l’un de ces hommes que je me suis adressé. Il a fini sa tâche, en êtes-vous satisfait ? C’est à vous maintenant, à vous, l’un des fils de cette terre luxurieuse et folle, à répandre à flots votre fantaisie sur ces murailles ; je vous ai entendu vanter tout à l’heure un palais que vous possédiez, celui-ci vous est ouvert ! Peintre ou magicien, prenez votre pinceau ou votre baguette, mais créez ! Étalez en ce lieu les allégories splendides, les merveilles du ciseau, de la palette, des arts ! Qu’étais-je hier, moi qui vous parle ? Un comédien bariolé, dont tous se moquaient comme de vous. Arrière maintenant la honte, la misère ! je suis majordome d’un noble, je représente ici, ainsi que vous, le comte de San-Pietro !

Quel est ce seigneur ? répliqua l’Italien. Est-il jeune ou vieux, libre de son cœur ou marié ? Est-ce quelque chagrin, quelque deuil récent qu’il vient enfermer ici dans cette tombe dorée, ou bien ne songe-t-il qu’au plaisir, aux jours embaumés, aux folles nuits ? Marche-t-il d’un pas grave comme l’un des portraits de famille qui décorent sans doute la galerie de son palais sur l’Arno, ou jette-t-il au vent son or et sa vie ? Il faut que je sache tout cela de vous, Bellerose ; il faut que rien n’offusque ici le regard du maître quand il viendra. Un palais, c’est un ami ; rien dans son aspect ne doit blesser notre cœur ou nos souvenirs ; ce vaste poëme doit être notre Eldorado.

Assez d’ennuis l’assombrissent, assez de fantômes s’y promèneront un jour, traînant après eux la chaîne des illusions trompées. Quand vous devez donner la comédie à un prince, à un monarque, dites-moi, n’avez-vous pas soin, mon cher Bellerose, que rien ne puisse le mécontenter ? S’il est amoureux, l’ennuierez-vous d’un sermon de philo-