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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

À ce billet était joint l’avis suivant :

« Le comte Pepe et le seigneur Rodolfo se trouvant les seconds du comte, il est de toute importance que vous vous mettiez vite en quête d’un ami qui tienne pour vous. »

En recevant cette nouvelle, les yeux du jeune homme cherchèrent machinalement alentour de lui… Une seule ombre errait sur la place, c’était la même que Charles avait aperçue des fenêtres du Palais-Vieux quand il allait se mettre au jeu.

– Le personnage de cette nuit, le fantôme que j’ai vu, murmura Charles ; bien, il sera mon second.

Le cavalier en question était porteur d’un manteau et d’une rapière qui parurent assez convenables à Charles. Il s’approcha de lui, en faisant signe aux porteurs des coffres de l’attendre.

– Bellerose ! s’écria-t-il.

Et en effet, c’était Bellerose, Bellerose qu’un bonheur inattendu offrait aux regards stupéfaits de Charles Gruyn. En le voyant, Charles ne put réprimer un élan de joie et de surprise.

– Bellerose ! murmura-t-il, mon cher Bellerose ! c’était donc toi, toi que je voyais, il n’y a pas une heure, arpenter dans ta cape les dalles de cette place ! Mais par quel miracle te trouves-tu dans Florence, et que viens-tu faire en Italie ?

– J’y viens, dit Bellerose, promener mon infortune ; Charles, tu vois ici un misérable exilé.

– Un exilé ! pour quel crime ?

– Je te conterai cela à mon aise, reprit Bellerose. Mais quels sont ces drôles qui t’attendent avec des coffres ; d’où descends-tu ? vas-tu ? Ma chambre, ou plutôt ma mansarde est à deux pas, je suis logé chez le Florentin Belphégor…

– Belphégor ! un maître d’armes ? demanda Charles, songeant au billet de Rovedere.

– Précisément. C’est un gîte maudit pour les gens qui veulent dormir ; il s’y fait la nuit même un vacarme de ferrailles et d’estocades, tant il y a que je n’y saurais reposer,