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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

bande ! On sait maintenant comment les juifs se font inscrire eux-mêmes sur le livre d’or.

– Heureusement que ton mariage est prochain, il remettra de l’ordre en tes affaires.

À toutes ces phrases banales, Léo ne répondait que par un morne silence.

– Mon cousin, lui dit Pepe, fais-nous connaîtra au moins, celle que tu épouses ; voyons, est-ce avec moi que tu veux faire le mystérieux ? Est-elle ici ?

Cette question nettement posée rendit au comte son assurance sardonique ; il indiqua du doigt à, son cousin un groupe de dames, au milieu desquelles Teresina Fornaro était assise, et tirait de son sein une lettre cachetée :

– Cette missive, reprit-il, est du cardinal Bibiena, il me l’a remise ouverte, et je sais ce qu’elle contient. Regarde d’ici, Pepe, l’effet que ces lignes vont produire sur la duchesse.

Leo s’était avancé en même temps vers Teresina. Il la salua avec toute l’aisance d’un cavalier célèbre à Florence pour le nombre infini de ses bonnes fortunes, et se tenant debout devant elle, bien que la duchesse lui eût fait signe de s’asseoir.

– J’attendrai madame, que vous ayez lu la dépêche du cardinal.

La duchesse parcourut la lettre rapidement, et en même temps un nuage obscurcit sa vue. Cette épître du cardinal Bibiena la prévenait de certains murmures que la nomination, de son secrétaire au titre de comte de San-Pietro venait de causer chez le gouverneur et dans la chancellerie romaine. Ce Français appuyé par elle n’était peut-être qu’un espion. Le cardinal Chiggi se repentait lui-même d’avoir été trop facile, et il conjurait sa nièce de lui donner de nouveaux détails sur l’homme qu’elle protégeait.

Évidemment, cette lettre n’avait été écrite qu’à la sollicitation du comte Leo par le cardinal Bibiena. Aussi était-ce l’arme que se réservait sa vengeance.