Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome1.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Les deux camps étaient formés, seulement celui de Charles avait vu bien vite s’élever autour de lui une muraille d’or et d’enjeux… Il eût fallu vraiment se nommer Pitti ou Médicis, être juif ou grand-duc, pour tenir contre cette banque formidable, improvisée tout d’un coup autour du jeune comte de San-Pietro.

La vue de cet or ainsi éparpillé donnait le vertige ; un instant Charles eut peur que l’archiduc ne vînt à passer et ne le vît, ainsi que la duchesse, tenant les rênes du jeu d’une main tremblante, inhabile… Le marquis de Rovedere venait d’offrir au jeune homme d’être son trésorier tout le temps du jeu ; le comte de Fersen, riche Hongrois, dirigeait le camp opposé à celui de Charles…

— Le jeu n’est point fait, objecta le marquis de Rovedere ; qui donc ici fait le jeu ?

Un silence profond avait succédé à cet appel du marquis, il fut bientôt suivi d’un brouhaha dans la foule des joueurs.

— Fait-on notre jeu ? demanda de nouveau le partenaire de Charles avec lenteur. Allons, parlez, messieurs ; qui d’entre vous se présente ?

— Moi ! s’écria tout d’un coup un personnage qui mit une bourse sur le tapis et prit la place du comte de Fersen…


XVII

LE DÉFI.


Ce nouveau venu était un joueur de fort grande mine ; il s’annonçait à la fois par un ton décidé, un visage hautain et des manières brillantes ; le comte de Fersen le connaissait, et ne fit aucune difficulté de lui céder sa place.

— Leo Salviati ! s’écrièrent-ils tous ; Leo à Florence ! Léo de retour, quand nous le croyions en France ou en Hongrie !… Vivat ! cher Leo, tu nous manquais !

Le comte Leo Salviati remercia bien vite ses amis de