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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

comment la sauver ? où la transporter, où lui assurer un gîte ? Celui du passeux devenait accusateur.

Cependant l’heure s’écoulait ; un jour d’ardoise filtrait à travers l’unique fenêtre de la cabane…

Le feu se mourait, l’aube couvrait la Seine de lueurs pâles ; la duchesse eut peur de cette clarté ; elle interrogea le visage du jeune homme…

Charles soutenait alors sa tête brûlante entre ses mains, mille pensées nouvelles et absorbantes l’assiégeaient ; il songeait à son père, à Mariette, et enfin à cette étrangère, dont il ne connaissait en rien la vie. Quel était son crime ? qu’avait-elle donc fait, encore une fois, pour attirer sur elle un tel châtiment ? Les moments étaient précieux, il fallait agir : Charles se leva.

Il se leva, et sous le costume élégant qu’il portait, il montra aux regards de la duchesse une taille que plus d’un raffiné eût enviée, un air mâle et résolu. Il était beau de cette beauté singulière que donnent les grandes occasions ; la sincérité de son âme se faisait jour dans ses yeux ; la duchesse l’examina sans frayeur, et elle lui dit :

— Vous êtes gentilhomme, monsieur ?

Cette demande fit rougir Charles. Il reprit cependant assurance, et songeant à l’habit qui pouvait causer cette méprise :

Madame, répondit-il, j’aurai pour vous servir le cœur et l’habit d’un gentilhomme…

— Bien, dit-elle, j’ai besoin d’un homme comme vous pour me reconduire où je vais… Le désordre de mes idées ne me permet pas de comprendre comment je suis ici, vous me le direz… Mais hâtons-nous. Il faut, continua-t-elle, que vous me meniez chez la reine mère.

— Y pensez-vous, madame ! répondit Charles, sérieusement effrayé du péril de cette démarche ; ne voyez-vous donc pas qu’il ne nous reste d’autre parti que la fuite ?

— La fuite ? et pourquoi ? lui demanda la duchesse.

— Madame, reprit Charles, vous êtes menacée, poursuivie.