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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— J’ai perdu, répondit-il. Et comme je dois, je confie ma dette à la Seine !

En même temps, il avait enjambé le parapet… Dans ce mouvement, son feutre tomba sur le quai.

— Charles Gruyn ! s’écria Pompeo en reconnaissant le fils du cabaretier…

— L’Italien de cette nuit, reprit Charles. Vous étiez à ce jeu ? demanda le jeune homme d’une voix sourde.. En ce cas, vous devez savoir mon déshonneur. J’ai perdu, monsieur, et j’ai perdu sur parole… Ces gens m’ont volé, sans doute ! Le vin qu’ils m’ont fait boire alourdit encore mon cerveau.

— Mon cher ami, reprit l’Italien, vous avez voulu tout à l’heure me rendre un service en croisant l’épée contre les gens du cardinal qui m’emmenaient, acceptez, de grâce, l’offre de mon argent ; je voudrais être mille fois plus riche…

Et Pompeo partagea en même temps avec le jeune homme l’argent qu’il avait reçu du docteur.

— Maintenant, dit-il, vous m’aiderez bien à jeter ceci en Seine ?

— Volontiers, dit Charles, sans trop comprendre ce dont il allait s’agir.

Pompeo s’empara du sac où était le coffre, et d’un bras nerveux il le lança dans la rivière… Un tourbillon d’écume suivit cette chute qui troubla seule le silence des ondes… Charles Gruyn semblait absorbé ; il avait reçu machinalement les pièces d’or de l’Italien, il murmurait quelques paroles à voix basse.

— À vous celui-ci, dit Pompeo à Charles, en lui indiquant le second sac.

— Qu’avez-vous donc là ? se prit à demander le jeune homme.

— Une marchandise suspecte. C’était un misérable qui vendait à faux poids, et je dois jeter en Seine ce qu’il vendait, c’est l’ordre de la justice.