Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome1.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

les seuls ornements de ce coffre ; au-dessus de la serrure principale, on lisait cette inscription espagnole en grosses lettres Cuidad[1].

Cédant à un mouvement de curiosité, le docteur avançait déjà la main vers ce coffre, quand il se ressouvint de l’avis de Richelieu… Une sueur glacée mouilla son front ; il replaça le voile noir sur la niche…

En ce moment, un bruit de roues se fit entendre près de la rue des Lions-Saint-Paul ; ce bruit venait du quai…

Le docteur remit son masque, cacha la lampe et entr’ouvrit doucement la fenêtre…

Il vit alors une litière qui allait tourner le coin de la rue ; dans cette litière était une femme, le visage couvert d’un loup de velours ; aux côtés de la voiture, deux valets à la livrée de la reine, dont le vent venait d’éteindre les torches…

Il referma la fenêtre, après s’être assuré que Pompeo, placé sous la troisième porte de la rue, dans un rencoignement obscur, attendait ses ordres…

Replaçant alors la lampe, et s’approchant d’un guéridon à pieds tors auprès du lit, le docteur prit le gobelet qui s’y trouvait et y répandit une poudre blanche qu’il mêla avec l’eau contenue sur cette table dans un flacon.

Cela fait, il tira sur lui l’une des portières en brocatelle de la chambre ; puis, retenant son souffle, il attendit…

Une femme entrait dans l’appartement, son loup à la main, le visage pâle, les traits bouleversés…

— Suzanna, dit-elle à la Moresse en s’asseyant, laisse-moi, je veux être seule…

Et comme la Moresse semblait vouloir lui parler :

— Laisse-moi, reprit-elle d’un ton qui, cette fois, devenait l’équivalent d’un ordre.

Suzanna sortit si émue du désordre de sa maîtresse, qu’elle ne put trouver aucune parole. La duchesse se regarda au miroir dont le docteur s’était approché un quart

  1. Prends garde.