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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Est-ce bien moi, se dit-il, moi que l’enfer ne désavouerait pas pour un de ses fils ; qui mire ma laideur dans ce cristal où l’une des plus fières beautés de l’Italie se contemple ? Est-ce bien moi qui me trouve ici, à cette heure, dans la chambre de là duchesse de Fornaro ?

Oui, c’est moi, c’est bien moi, poursuivit-il en continuant l’examen de chaque objet. À quel autre homme qu’à moi le cardinal eût-il confié cette sombre et terrible mission ? Si je connais sa haine, ne sait-il donc pas la mienne ? Ne sait-il pas qu’éconduit, repoussé par la duchesse, j’ai dévoré l’affront le plus sanglant, un affront que n’ont pu laver encore quinze années ! Voilà donc le lieu où se cache Teresina Pitti, la veuve de Fornaro ? Encore quelques instants, et je vais la revoir, cette altière duchesse qui a su blesser à la fois mon orgueil et mon amour ! Je suis son maître, son juge ! Puissances de l’enfer, m’abandonnerez-vous quand elle viendra ? Irais-je m’attendrir ? Vais-je pleurer comme un lâche ! Les paroles de cet homme résonnent encore à mon oreille comme une audacieuse dérision. N’est-ce donc pas lui qu’elle m’a préféré ? N’est-ce donc pas lui que peut-être elle aime encore ? Et que suis-je à jamais pour lui ? Un monstre, un reptile qu’il écrasera. Il est loin de se douter à quel homme il a demande tout à l’heure le droit de tuer Samuel ! Il obéira, oh ! oui, il m’obéira !

En achevant ces mots, le docteur laissa errer sur sa lèvre un sourire que lui eût envié Satan lui-même. Il se trouvait alors devant le lit de la duchesse ; dans le fond de ce lit était la niche recouverte du voile noir.

Après avoir considéré lentement chaque détail de cette pièce, il entra dans la ruelle, et d’une main hardie il souleva le voile tiré sur la niche…

Le docteur distingua alors un coffre de forme oblongue, en bois de cèdre, soigneusement fermé par quatre serrures de fer, et dont l’examen le jeta dans le plus profond étonnement.

Plusieurs têtes de mort et des os placés en croix étaient