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MADEMOISELLE DE ROANNEZ

Cet essentiel malaise des âmes, cet instinct de l’individualité meurtrière de soi, Pascal l’a étudiée avec génie. Je ne sais si l’on a jamais plongé si loin dans l’intime secret de la vérité subconsciente. Pascal a découvert les forces primitives de l’esprit ; et il a connu le mode de leur activité, leur instinct : il a créé la dynamique de l’esprit. Auprès de lui, La Rochefoucauld a l’air de décrire seulement les aspects du dehors. Et cette vue de Pascal, si pénétrante, si extraordinaire, le Discours la possède. Cependant, il y a des critiques pour ne pas savoir si le Discours ne serait pas « un jeu d’esprit », une « gageure de salon » !…

L’impossibilité de jamais demeurer en soi, le besoin du divertissement, Pascal dans les Pensées le considérera comme l’un des signes les plus évidents de notre faiblesse et de notre misère. Il y a déjà, si l’on y songe, quelque chose de cette opinion dans le Discours. Mais alors tout le pessimisme de la doctrine est emporté par une joie superbe de l’esprit : cette joie, c’est l’amour.

Tout le Discours, cette grande allégresse l’anime ; et son mouvement, par endroits, va jusqu’à un lyrisme de ton qui n’est pas habituel aux écrivains de cette époque. Pour ne pas s’en être aperçu, comment donc a-t-on lu ce Discours ?

En un temps où l’on avait encore l’art et le soin de ne pas prodiguer les mots, et de garder dans son langage une modeste retenue, et de