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MADEMOISELLE DE ROANNEZ

L’un des érudits qui assurément connaissent le mieux Port-Royal et Pascal et à qui l’on doit les précieux mémoires de Godefroi Hermant, M. Augustin Gazier, ne veut pas que Pascal ait aimé Mlle de Roannez. Je ne dis pas qu’il ait tort. Mais il suppose qu’à cette époque, et jusqu’à la conversion de cette jeune fille, Pascal ne l’a point connue, ne l’a point vue. Il considère que, dans les maisons des grands seigneurs, chaque membre de la famille avait et ses appartements et sa vie séparée. Mais Pascal est de la maison ; j’ai peine à croire qu’il n’ait pas vu la sœur de son ami et qu’il ne l’ait pas vue assez familièrement.

Je ne dis pas qu’il l’ait aimée ; je dis seulement qu’il a pu l’aimer. Et puis j’avoue que, les preuves de cet amour, en somme, nous ne les avons pas. A défaut de preuves, un indice ? Oui, le Discours sur les passions de l’amour ; et voyons s’il y a, dans ce discours, des pensées qui nous renseignent un peu sur cet amour.

Mais, d’abord, — en effet toute certitude ici nous échappe, — le Discours sur les passions de l’amour est-il de Pascal ?

Depuis un bon demi-siècle, on discute à ce propos. La question de Pascal amoureux a émoustillé les pascalisants : Victor Cousin, puis Sainte-Beuve, – Sainte-Beuve encore, lui, n’était pas très sérieux, — mais Ferdinand Brunetière, M. Gazier (un janséniste !), M. Michaut, M. Lanson, M. Brunschvicg. Ceux-là ne croient pas que