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JACQUELINE PASCAL

fort belles et, avec la douceur d’une âme qui s’adresse à une âme, extrêmement rigoureuses. Jacqueline voyait, assez souvent, un Père de l’Oratoire, homme de bien, dont la vie était exemplaire et qui venait lui tenir des discours édifiants. Ce bon Père eut un jour une idée : puisque l’esprit de Jacqueline avait jadis travaillé pour le monde, il devait maintenant travailler pour Dieu; elle avait composé des vers mondains et n’allait-elle pas sanctifier son talent de poésie en composant des vers à la gloire de Dieu? Il raisonnait bien et persuada Jacqueline. Donc, il traduisit en prose quelques hymnes de l’Église : Jacqueline les mettrait en vers. Et elle mit en vers (qui ne sont ni admirables ni mauvais) l’hymne de l’Ascension. Mais alors, Jacqueline, que félicitait le bon Père, fut prise d’un scrupule. Sans doute, comme dans sa petite enfance, éprouva-t-elle un vif plaisir au choix des mots et à leur rythme. Ainsi, dans les Confessions, saint Augustin, qu’émeuvent les chants liturgiques, se tourmente à l’idée que le charment peut-être davantage les voix qui chantent que l’objet divin qui est chanté. Dans la terrible austérité de sa vie, d’où elle avait durement chassé tout le plaisir des sens, la musique des vers lui fut probablement une trop douce alarme : et elle eut peur de céder à une tentation périlleuse, la concupiscence de la littérature. Le bon Père l’engageait à continuer sa tâche poétique. Elle s’y refusa; et elle écrivit à