Page:Beaunier - Visages de femmes, 1913.pdf/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
JACQUELINE PASCAL

C’est assez bien l’Iphigénie de Racine; et, pour leurs prières différentes, les deux héroïnes emploient presque les mêmes mots de soumission, de respect; les deux prières ont à peu près le même son. L’Iphigénie de Racine; et, certes, non celle d’Euripide, plus enfant, plus impétueuse, plus ardente à réclamer le meilleur plaisir de voir la lumière : celle de Racine, plus attentive a observer la règle de la déférence filiale. Encore celle-ci ne néglige-t-elle pas de rappeler qu’elle fut la première, dans la famille, à prononcer le doux nom de père; et, autour de ses souvenirs enfantins, elle s’attarde avec tendresse. Jacqueline est beaucoup plus lointaine. — « Très humble et très obéissante fille et servante » : — c’est la formule consacrée; et Jacqueline l’emploie sans y rien ajouter de plus vif. Iphigénie demande à vivre, à éviter la mort. Et, pareillement, Jacqueline; mais, par le sublime renversement chrétien de toutes choses, ce qu’elle regarde comme la véritable mort, c’est la vie : et vivre est, pour elle, mourir à ce qu’on nomme la vie. Transposant le fervent désir de la princesse mycénienne, elle dirait : « Il est doux de voir la lumière de Dieu ! » La certitude qui l’anime est d’une qualité dogmatique et telle qu’il y a, dans l’obéissance et l’humilité même de Jacqueline, un zèle rigoureux, voire des remontrances, que la politesse de la phrase enveloppe sans les rendre moins nettes. Et Jac-