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JACQUELINE PASCAL

fait que Jacqueline ne soit pas allée recevoir, aux Palinods, sa récompense de gloire. La drôle de petite fille !… Si elle écrit des vers, eh ! bien, il suffit de lire ses vers pour être sûr qu’elle n’y est pas contrainte par un impérieux génie : ce ne sont que des vers adroits. Elle s’y amuse ? Oui ; mais aussi elle les montre, elle les envoie aux Palinods : elle désire évidemment la gloire. Il n’est pas de littérature et d’art sans quelque vanité. Elle désire la gloire ; et puis elle ne la désire pas : étant sur le point de l’atteindre, elle n’en a plus envie. Cette contradiction n’est pas inhumaine ; cette contradiction secrète et intime que nous apercevons, identiquement la même, dans le cœur et l’esprit de Blaise Pascal ; cette contradiction de la vive ardeur et du prompt désabusement qui est, je crois, au plus profond de l’âme, dans les grands mystiques, le principe à la fois de leur zèle fougueux et de leur farouche renoncement.

Remarquons-le : en 1640, la famille Pascal est pieuse et parfaitement soumise aux croyances et aux pratiques de la religion. Elle n’aura point à se convertir, selon le sens rigoureux du mot. Ce pendant elle vit dans le monde, avec toute la liberté permise et sans nulle austérité. Elle n’a pas encore reçu le coup de la grâce. Bref, l’ « indifférence » de Jacqueline à la gloire des Palinods, comme l’indifférence qu’elle eut à subir l’effacement de sa beauté, cette indifférence n’est pas