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VISAGES DE FEMMES

des cierges ou des bougies, afin d’attester qu’elles étaient pieuses.

À peu de distance, il y avait aussi la prison.

Par les rues, il ne passait pas grand monde ; et c’étaient toujours les mêmes personnes, à peu près, et aux mêmes heures, à peu près.

Voilà le spectacle quotidien que la jeune Marceline eut sous les yeux, tous les jours les uns après les autres, tous les jours de ses douze premières années.

Une telle existence, confinée en elle-même, offre à une enfant rêveuse et chimérique un prodigieux loisir d’exaltation spirituelle et de songerie passionnée. Les autres enfants n’ont aucune peine à s’y accommoder ; ils grandissent là et ils continuent de n’y attendre rien, jusqu’à vieillir et puis mourir. Une petite Marceline a l’air bien sage et, au dedans, s’affole.

Son père était peintre et doreur d’armoiries, de carrosses et d’ornements d’église. Mauvais métier, en 1786, à la veille de cette révolution qui va fermer les églises, abolir le culte et ses ornements, supprimer la noblesse, ses équipages et ses armoiries ! Et, de fait, quand éclata la sauvage fureur, l’infortuné Desbordes, qui jusque-là gagnait sa vie en travaillant beaucoup, perdit tout son ouvrage. L’humble famille fut dans le dénuement.

Et même, les circonstances changées, les entours défaits, l’ancien usage détraqué, le cadre