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MARCELINE DESBORDES-VALMORE

est une petite ville du nord triste et plat, noir de charbon, morne et dépourvu de grâce, — l’une de ces petites villes où le voyageur s’ennuie extrêmement, lui qui cherche le pittoresque des sites, la beauté des architectures, les restes d’une histoire illustre, pathétique ou joyeuse, et qui ne pénètre pas dans l’intimité profonde et captivante des coutumes, des devoirs, des patiences et des héroïsmes secrets. Ce qui fait le prix de ces petites villes, tant provinciales, c’est la fidèle observance des traditions, c’est la monotonie des journées, c’est la lenteur silencieuse du temps, c’est une vie bien ordonnée et, de nuance comme de couleur, pareille aux âmes qui ont à l’accomplir. Heureux qui meurt là, y étant né, puis ayant suivi avec exactitude l’exemple de son père, entre les anciennes murailles où le passé a suspendu des portraits qui sont des emblèmes !…

Hélas ! ce ne fut point le sort de Marceline.

La maison très modeste où elle est née attenait au cimetière, lequel était tout proche de l’église Notre-Dame ; car autrefois on voulait que les morts fussent installés, pour dormir, auprès de Dieu vigilant. Tout à côté, il y avait, à l’enseigne de l’Homme sauvage, un cabaret ; car on voulait aussi que les vivants eussent de quoi se divertir. La porte de la maison où Marceline passa ses premières années, était surmontée d’une petite niche où l’on avait placé une Sainte Vierge ; les jours de fête, Marceline et ses sœurs posaient là