Page:Beaunier - La Poésie nouvelle, 1902.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout le reste, il le chasse. Les extraordinaires visions qui le hantent dans la solitude de sa pensée l’éblouissent ou l’effrayent. Son imagination grandit toutes choses, pousse ses émotions jusqu’à leur paroxysme, transfigure la réalité, magnifie sa méditation. Une intense mélancolie, mêlée de terreur, l’oppresse. Mais il se dompte, et le tragique conflit de sa volonté consciente avec sa sensibilité pantelante sanctifie son intime douleur. Jamais peut-être de tels cris de détresse et d’angoisse n’avaient été poussés en présence du Destin. Sa plainte a l’ampleur sublime de son désespoir. Rauque et rude, lourdement scandée, ardente, elle se prolonge avec acharnement, monotone comme la vie, incessante comme la souffrance. On croit entendre la suprême lamentation de l’humanité qu’enchaîne une fatalité brutale et qu’un mystère terrifie…

Puis, ayant pris une conscience plus nette de la réalité complexe et merveilleuse, de la vie universelle et des forces infinies qu’elle met en jeu, il communia avec cette énergie créatrice, qui est le tout de ce qui est, et il participa frénétiquement à cette joie féconde. Le poème de malédiction devint un hymne d’amour…