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rielle clarté, immuables, les Idées. Ce monde haletant et grouillant est soumis à des lois qu’il ignore et qui le conduisent vers de sûres destinées.

Comment se terminera le conflit des villes voraces et des campagnes lâches ? Le problème se dessine dans la troisième partie de cette grande épopée sociale, les Aubes. Le poème prend ici la forme du drame : des forces déchaînées s’y heurtent. Drame sombre et d’incertaine conclusion, beau dans son obscurité même, qui semble l’obscurité persistante des aubes difficiles où les premières lueurs de réveil s’élèvent parmi des brumes et des fumées. Une sauvage destruction précédera les jours nouveaux, parce que la terre devra d’abord être purifiée des souillures des villes. Alors, la monstrueuse mêlée des violences et des instincts fera place à l’harmonieux développement de l’entente humaine…


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Il semble que cette espérance ait rasséréné l’âme inquiète et passionnée de ce poète qui, après avoir subi la torture de sa propre souffrance, absorbait encore en lui-même l’universelle souffrance terrestre. Mais une aube heureuse éclaire un peu son ciel.

Il apparaît, dans ses œuvres ultérieures, moins désespéré, moins hanté de sinistres appréhensions, plus dégagé, plus libre, plus apte à varier l’objet de sa rêverie. Le beau poème des Visages de la vie[1] nous le montre attentif aux idées morales, penché sur le cœur douloureux de l’humanité, épiant ses tressaillements, guettant

  1. Les Visages de la vie. Deman (Bruxelles), 1899.