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Le vers libre de Verhaeren lui est très spécial. Il se caractérise comme suit.

Les différents vers qui composent la laisse poétique sont, bien qu’inégaux entre eux, déterminés individuellement par le nombre de leurs syllabes. On peut les distinguer en alexandrins, octosyllabes, décasyllabes, etc., et chacun d’eux est construit d’après l’usage ancien, la césure en est bien marquée… Verhaeren ne recherche pas les fluidités musicales de Vielé-Griffin, ni les orchestrations symphoniques de Gustave Kahn. Même, il emploie assez peu les vers impairs et il est rare qu’il dépasse les dimensions de l’alexandrin quatorze syllabes est son maximum.

En principe, il ne s’astreint plus à la rime régulière, et il se réserve de lui substituer l’assonance ; par suite, il n’a plus que faire du principe classique de l’alternance des finales masculines et féminines. Mais, en fait, il rime presque toujours : la rime bien apparente lui sert à séparer les vers, à en accentuer le rythme. Il utilise aussi, à cette fin, des allitérations de consonnes ou des assonances qui, se correspondant en deux parties symétriques du vers, en constituent le solide armature :

Et ses hauts mâts craquants et ses voiles claquantes,
Mon navire d’à travers tout casse ses ancres.
Et, cap sur le zénith.
Bondit vers la tempête,
Bête d’éclair, parmi la mer.


Les vers libres de Verhaeren, ainsi construits, se scandent plus vigoureusement que nuls vers réguliers. L’harmonie en est puissante. Ils n’ont pas la grâce délicate et la souplesse que nous aimons chez d’autres poètes. Mais leur rudesse même leur donne une très spéciale valeur