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entre les deux hémistiches. Verhaeren est même moins audacieux alors que ne le sont d’autres poètes en ces premières années du Symbolisme ; il s’abstient des rejets et des enjambements, il ne désorganise pas l’alexandrin traditionnel, il lui conserve son rythme un peu lourd, un peu monotone, mais puissant.

On pourrait presque en dire autant des Soirs et des Débâcles. Cependant, à quelques signes, ici et là, on aperçoit que le poète prend conscience des imperfections de l’ancienne métrique et qu’il s’achemine à une nouvelle. Ses incertitudes se font surtout sentir, — pour lui comme pour la plupart des poètes de ce temps-là, — dans le traitement des syllabes muettes. Assez souvent, s’il place une muette au sixième pied de l’alexandrin, c’est que la césure est ailleurs ; ainsi, ce vers

Voix par des voix lasses au fond des soirs hélées


se partage plutôt en deux groupes de quatre et huit pieds qu’en deux hémistiches égaux. Mais ailleurs la muette, non élidée, est bel et bien à la césure ; ainsi dans ce vers :

… S’érige en tes songes et, rouge, les festonne.


Il semble donc que Verhaeren compte la muette comme une syllabe sonore. Néanmoins, le vers suivant, qui se trouve au milieu d’une longue série d’alexandrins réguliers :

Les phrases ne tendront plus vers les grandes étoiles,


doit être considéré comme un alexandrin, lui aussi, dans lequel, — contrairement aux règles traditionnelles, mais suivant la prononciation habituelle, — la syl-