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prégné des premières impressions qu’il reçut de cette nature abondante et grasse, où la vie se développe avec plénitude en beauté saine, un peu commune, mais forte et fraîche. Et c’est vraiment la Flandre heureuse, la Flandre des bons pâturages et des kermesses, que peignent, d’une touche large et franche, ces poèmes excellents et tout à fait exempts de mièvrerie. Étables chaudes où bourdonnent les mouches autour des vaches alignées ; basses-cours où grognent les porcs roses et gras, dont le groin fouille les détritus ; laiteries fraîches où refroidissent les jarres de grès ; cuisines claires, toutes réjouies des belles flammes des cheminées ; cabarets-bouges, où s’installent les grands buveurs, les grands mangeurs de lard et de jambons, et les filles, rouges et blanches, aux gestes vifs, danses, chansons, soûleries, ripailles et truandailles… Toutes ces descriptions, bien colorées, rappellent les meilleures productions de l’art flamand ; elles en ont l’exactitude, la vérité, la vie : Rubens et Téniers, les belles carnations chaudes, le décor juste et amusant. Verhaeren ne recherche pas les subtiles notations de détails curieux, compliqués ; mais il copie de toutes choses ce qu’elles ont d’essentiel, de caractéristique et d’immédiatement vu.

« Les Flamandes, dit Vielé-Griffin[1], correspondent, chez leur auteur, à une période de santé violente où l’instinct flamand des Jordaens et des Rubens lui apparaît plus beau que toute idée ; il ne trouvait alors, en art, de vraiment grand que ces maîtres. »

Il y a, en Verhaeren, une ardeur telle que tous les sentiments s’exaltent, chez lui, jusqu’à leur maximum

  1. « Note biographique » jointe à l’étude d’Albert Mockel sur Émile Verhaeren (Mercure de France, 1895).