Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/97

Cette page n’a pas encore été corrigée

placée entre les uns et les autres, comme pour s’opposer à leur fusion ?

Il existe à Philadelphie une maison de refuge où sont envoyés les jeunes gens et les jeunes filles qui ont commis quelque délit tenant le milieu entre la faute et le crime : l’influence de la famille n’est plus assez puissante sur eux : le châtiment de la prison serait trop rigoureux ; la maison de refuge, plus sévère que l’une, moins cruelle que l’autre, convient à ces délinquants précoces, mais non endurcis. Un jour, en visitant cet établissement, je fus surpris de n’y pas voir un seul enfant de race noire. J’en demandai la cause au directeur, qui me dit : « Ce serait dégrader les enfants blancs que de leur associer des êtres voués au mépris public. »

Une autre fois, je témoignai mon étonnement de ce que les enfants des nègres étaient exclus des écoles publiques établies pour les blancs ; on me fit observer qu’aucun Américain ne voudrait envoyer son enfant dans une école où il se trouverait un seul noir.

Alors je me rappelai ces paroles prononcées par Marie dans son désespoir ;

« La séparation des blancs et des nègres se retrouve partout : dans les églises, où l’humanité prie ; dans les hôpitaux, où elle souffre ; dans les prisons, où elle se repent ; dans le cimetière, où elle dort de l’éternel sommeil. »

Tout était vrai dans ce tableau, que j’avais regardé comme une exagération de la douleur.

Les hospices, ainsi que les geôles, renferment des quartiers distincts, où les malades et les criminels sont classés selon leur couleur ; partout les blancs sont l’objet de soins et d’adoucissements que n’obtiennent point les pauvres nègres.

J’ai vu aussi dans chaque ville deux cimetières séparés l’un pour les blancs, l’autre pour les gens de couleur. Etrange phénomène de la vanité humaine ! Quand il ne reste plus des hommes que poussière et corruption, leur orgueil ne se résout point à mourir, et trouve encore sa vie dans le néant des tombeaux !…

Cependant, si l’ambition de l’homme survit, sa puissance expire au sépulcre. Quelle que soit la distance qui sépare les squelettes privilégiés des ossements d’une race inférieure,