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CHAPITRE VII.


le mystère.


Je disais à Marie mon amour, mes vœux mes espérances… mais elle recevait étrangement les révélations de mon cœur.

Un rayon de joie brillait dans ses beaux yeux, qu’un nuage de tristesse voilait presque aussitôt.

Elle évitait ma présence, et semblait pourtant heureuse de me voir ; son regard rencontrait encore le mien, mais comme s’il lui eût échappé ; sa voix, naturellement douce, était altérée ; sa bouche souriait encore, mais ses paupières étaient entourées d’un cercle de mélancolie qui, chaque jour, devenait plus sombre.

Je l’interrogeais souvent sur les causes de son chagrin. Une fois elle me dit : « Toutes vos paroles promettent le bonheur, et ma destinée me condamne à une vie malheureuse ; vous voyez quel abîme nous sépare. »

Si je la questionnais davantage, elle ne me répondait que par un silence morne et un regard déchirant.

Depuis ce moment, je ne quittai plus Nelson et ses enfants.

Nous ne nous séparions que le dimanche à l’heure des offices religieux : ils allaient au temple presbytérien, et moi à l’église catholique.

Je remarquais chez eux une grande régularité dans l’accomplissement de leurs devoirs pieux. Un jour Georges étant arrivé au temple quelques instants après le commencement de l’office, Nelson, au retour, lui adressa une réprimande sévère : Comprenez-vous, s’écriait-il, quelle serait la joie des unitaires et des méthodistes s’ils apercevaient le moindre refroidissement dans le zèle de notre congrégation ?

Je voyais avec chagrin chez Nelson ces passions ardentes de sectaire ; car je craignais qu’elles n’élevassent une barrière entre sa fille et moi. Souvent il me parlait de sa religion et