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de langueur… hélas ! elle tombera bientôt, abattue par le mal funeste qui, dans ce pays, moissonne tant de jeunes existences.

Cependant elle s’approchait du lit de la phthisique, prenait sa main, y déposait une larme : — Ne pleurez point, ma bonne demoiselle, disait la pauvre femme… je vous ai vue ce matin… je serai bien le reste du jour.

Ensuite Marie s’arrêta près d’une jeune fille. — C’est, me dit-elle, une aveugle-sourde-muette de naissance ; quoique dépourvue des sens principaux par lesquels les idées nous arrivent, elle est douée d’une grande intelligence, éprouve des impressions très vives, et parvient à les exprimer. Sans doute, la privation des sens qui lui manquent rend plus fins et plus énergiques les seuls qu’elle possède, l’odorat et le toucher. Voyez comme elle me reconnaît à mes mains, à mes vêtements ! comme elle m’embrasse tendrement ! combien elle est heureuse de me presser sur son cœur !

Et la pauvre fille tressaillait dans les bras de Marie, lui prodiguait mille caresses. L’infortunée, qui ne savait point que la société a des joies, se réjouissait pourtant ; le sourire était toute sa physionomie, et l’on voyait sur ses lèvres une expression de contentement, qu’elle n’imitait point des visages d’autrui.

Que se passait-il dans cette âme tout environnée de ténèbres ! d’où lui venaient ses tendres émotions ? elle ne connaît point le monde où nous vivons… mais n’a-t-elle pas aussi un monde à elle, animé d’idées, de sentiments, de passions qui lui sont propres ? et ce monde, le connaissons-nous mieux qu’elle ne connaît le nôtre ? Tout dans son être intelligent est obscurité pour nous, comme pour elle tout ce qui l’entoure est une nuit profonde.

La fille de Nelson recevait mille bénédictions sur son passage. — Oh ! disait celui-ci, nous crions à Dieu du fond de notre cœur pour qu’il vous donne d’heureux jours ! — Le Ciel vous comblera de ses grâces, disait un autre, parce que vous visitez les affligés.

J’admirai, dans cette occasion, combien les femmes nous sont supérieures dans l’exercice de la charité.

Leur bienfait n’est jamais à charge, parce que, avec elles,