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qu’il y a au théâtre de Bowery un acteur anglais, nommé Farren, accusé d’avoir mal parlé du peuple américain. À Bowery ! À Bowery ! crient plusieurs voix ; aussitôt la foule se porte en masse vers le théâtre qui, un instant après, ne présente qu’une scène de trouble et de confusion. Quand cette œuvre est terminée, les perturbateurs se ravisent, et reviennent à la première pensée qui les avait mis en mouvement.

Au nombre des plus ardents amis des nègres se trouvait un Américain, nommé Arthur Tappan[1].

On savait qu’il admettait dans sa maison des gens de couleur, et il avait même osé quelquefois se montrer publiquement dans leur compagnie. Une voix fait entendre ces mots : « À la maison d’Arthur Tappan ! » Et la multitude s’y porte aussitôt ; arrivés là, les factieux brisent les fenêtres, enfoncent les portes ; ne trouvant personne dans la maison, ils prennent les meubles, les jettent dans la rue et y mettent le feu ; la police arrive sur ces entrefaites, une lutte s’engage dans laquelle le peuple est tour à tour vainqueur et vaincu ; à deux heures du matin le combat avait cessé, telle fut la journée du 9. Le lendemain la sédition prend un caractère encore plus grave. On apprend que le peuple a formé le projet de détruire les magasins d’Arthur Tappan, dans Pear-Street, et d’attaquer la demeure du révérend docteur Cox, ministre presbytérien, attaché aux nègres et à leur cause. En effet, le 10 au soir, la foule se porte vers l’église du docteur Cox, lance contre les fenêtres et les portes des projectiles, et se retire ; de là elle se rend à la maison du ministre presbytérien ; mais le docteur Cox et sa famille avaient quitté New-York, sur l’avis des dangers qui les menaçaient ; alors les factieux entreprennent de démolir la maison, et ils étaient déjà à l’œuvre lorsqu’un détachement de miliciens, envoyé par l’autorité, arrive : les séditieux, retranchés derrière des barricades, faites à l’aide des charrettes et tombereaux renversés, essaient de résister ; mais, après un combat un peu opiniâtre, ils cèdent la place. Le même jour, une autre église, appartenant à des gens de couleur et située dans le voisinage de Laight-Sireet, avait été l’objet des mêmes attaques et des mêmes violences. Les insurgés avaient entrepris sa démolition ; une

  1. Je ne sais si M. Arthur Tappan de New-York est de la même famille que M. John Tappan et *** Tappan de Boston. J’ai connu ces derniers pendant mon séjour dans la Nouvelle-Angleterre, et je déclare que je n’ai jamais rencontré personne dont les vertus m’aient inspiré un respect plus profond.