Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/386

Cette page n’a pas encore été corrigée

appui et protection. L’Américain ne voit alors en eux que des infortunés que la religion et l’humanité lui commandent de secourir. Mais dès qu’ils annoncent des prétentions d’égalité, l’orgueil des blancs se révolte, et la pitié qu’inspirait le malheur fait place à la haine et au mépris.

Les nègres, étant en très-petit nombre dans les États du Nord, se soumettent en général sans aucune résistance à toutes les exigences de l’orgueil américain. Il ne s’engage point de lutte, parce que les opprimés acceptent l’injure et la tyrannie. La collision grave dont New-York a été le théâtre au mois de juillet dernier ne s’explique que par le concours de circonstances tout-à-fait extraordinaires. Il n’existe dans l’État de New-York que 44,870 personnes de couleur sur 1,913,000 blancs, et dans la ville même 13,000 personnes de couleur sur 200,000 blancs ; ni les nègres ni les Américains de New-York ne peuvent donc avoir la pensée de lutter ensemble ; les premiers, parce qu’ils sont trop faibles ; les seconds, parce qu’ils sont trop forts. À la vérité il existe au sein même de la population blanche un parti qui travaille à établir l’entière égalité des noirs. Ce parti, composé de philantropes sincères, d’hommes religieux, de méthodistes et de presbytériens ardents, attaque avec un zèle infatigable le préjugé qui sépare les nègres des blancs. On les appelle les abolitionistes, parce qu’ils essaient d’abolir l’esclavage partout où il existe, et amalgamistes, parce qu’au moyen de mariages mutuels, ils voudraient parvenir au mélange des deux races. Ils ont organisé une société sous le titre de anti-Slavery Society (Société contre l’esclavage), et fondé un journal qui soutient les doctrines de la société. Ce parti a la force que donnent une conviction profonde, un but honnête et des passions généreuses, mais il est peu nombreux.

Pendant long-temps les réclamations qu’il éleva en faveur des malheureux dont il s’était établi le patron, excitèrent peu d’irritation parmi les Américains du parti contraire ; mais vers le commencement de l’année 1834, elles cessèrent d’être entendues avec indifférence.

D’abord on ne peut nier que le contre-coup de l’affranchissement des noirs dans les colonies anglaises ne se soit fait sentir en Amérique, même au sein des États où les nègres sont libres. On conçoit que les gens de couleur, qui n’ont encore conquis que la moitié des droits auxquels ils aspirent, aient été fortement émus d’une révolution sociale, arrivée près d’eux, et faite au profit d’êtres qui leur sont semblables en tous points. Cette impression