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L’égalité sociale et politique aux États-Unis ne reçoit d’atteinte véritable qu’en ce qui concerne la race noire ; mais alors l’Américain ne croit pas violer le principe de l’égalité, parce qu’il considère le nègre comme appartenant à une race inférieure à la sienne ; et il faut à ce sujet remarquer que, dans les pays à esclaves, où l’inégalité entre les noirs et les blancs est plus marquée, l’égalité entre les blancs est peut-être encore plus parfaite. Ainsi que je l’ai dit plus haut, la couleur blanche est pour eux une noblesse, et ils se traitent les uns les autres avec les égards et la distinction qu’apportent entre eux les membres d’une classe privilégiée.

PAGE 117. — * Point de préjugés invétérés.

Dans beaucoup de pays d’Europe, on part de ce point, qu’il y a pour toutes les sciences morales et politiques, et même pour les arts, un degré de perfection qui a été atteint, et au-delà duquel il n’existe plus rien à découvrir. C’est la raison pour laquelle toutes les créations de l’art et de l’industrie y sont empreintes d’un caractère bien marqué de splendeur et de durée. Tout s’y fait, lois, constitutions et monuments, dans des vues d’éternité. C’est tout le contraire aux États-Unis. Il n’est rien qu’on y croie fixé définitivement. Les plus belles sciences, les lois les plus sages, les inventions les plus merveilleuses, n’y sont considérées que comme des essais. Aussi tout ce qu’on y fait porte le caractère du provisoire.

On y bâtit un édifice qui durera vingt ans ; qui sait si dans vingt ans on n’aura pas trouvé un meilleur mode de construction ? La loi qu’on adopte est obscure, mal rédigée ; à quoi bon l’élaborer ? Peut-être l’année suivante on en aura reconnu le vice.

PAGE 118. — * Sang-froid des Américains.

J’ai eu, durant mon séjour en Amérique, mille occasions de juger le sang-froid des Américains. Je n’en citerai qu’un exemple. Comme je descendais l’Ohio sur un bateau à vapeur où se trouvaient plusieurs marchands avec leurs marchandises, notre bâtiment, nommé le Fourth of July (le 4 juillet)[1] toucha un écueil appelé Burlington Bar, à trois milles au-dessus de Wheeling, et se brisa. Ce n’est pas ici le lieu de raconter les circonstances de cet accident, et ses dangers qu’on supposerait toujours

  1. Jour de la déclaration do l’indépendance américaine.