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D’où vient qu’en présence de faits semblables qui chaque jour se renouvellent et se reproduisent sans cesse sous mille formes différentes, il se rencontre encore des personnes qui contestent aux Américains la pratique de l’égalité ?

La raison en est dans quelques faits mal appréciés et dans quelques apparences qu’une observation superficielle prend pour des réalités.

Chez ce même peuple, où les fortunes et les conditions sont uniformes, vous voyez sans cesse les hommes mesurer leur estime sur la richesse et attacher un très-grand prix à la naissance. On ne dit pas : Cet homme est digne de respect parce qu’il est honnête et juste ; cet autre est distingué par son esprit et par son éloquence. On dit : Un tel vaut 10,000 dollars (is worth) ; tel autre n’en vaut que la moitié.

Au sein de cette démocratie, maîtresse de la société, on voit quelquefois se révéler des instincts tout aristocratiques de leur nature. D’après la loi, les enfants partagent également la succession de leurs auteurs ; mais ceux-ci peuvent disposer de leurs biens selon leur bon plaisir ; donner tout à un seul et déshériter les autres. Il arrive très-fréquemment qu’usant de son droit, l’Américain accorde une dot très-considérable à son enfant premier-né, non pour le récompenser d’une conduite meilleure que celle de ses frères, mais pour faire un aîné et lui donner une position qui flatte l’orgueil du père de famille.

Ces mêmes Américains que vous voyez se mêler aux hommes de tous les états attachent souvent une valeur puérile à l’antiquité de leur origine et à la noblesse de leur extraction. Il y en a qui vous racontent longuement leur généalogie ; quelquefois ils fausseront la vérité pour vous prouver une descendance illustre. Il n’est pas sans exemple que celui qui véritablement appartient à une famille aristocratique affecte une sorte de mépris pour ceux qui montrent des prétentions du même genre sans les justifier. « Voyez, nie disait une fois un habitant de **, ce gentleman si fier de sa grande fortune, ce n’est qu’un parvenu : son père était cordonnier. »

Les Américains, dont les mœurs, d’accord avec leur loi