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la cabine des voyageurs, qu’en y peut travailler, écrire et lire comme on le ferait chez soi.

Du reste, la rudesse américaine a aussi son bon côté ; nos manières polies, nos délicatesses de langage, ne sont, le plus souvent, que les dehors agréables sous lesquels se cache l’égoïsme. L’intérêt personnel existe sans doute tout autant chez les Américains que chez nous ; mais, aux États-Unis, il y a de moins l’hypocrisie des formes.

    • L’égalité universelle…

Un grand nombre d’écrivains, notamment des auteurs anglais, ont dit que les lois des États-Unis consacrent une grande égalité qui ne se trouve pas dans les mœurs ; que là, comme dans plusieurs pays d’Europe, il existe une aristocratie pleine de morgue et de mépris pour les classes placées au-dessous d’elle ; et que les Américains, qui ont perfectionné la théorie de l’égalité, ne la pratiquent point. J’avoue qu’en parcourant les États-Unis j’ai reçu une tout autre impression. Non-seulement j’ai trouvé l’égalité politique mise en action par le concours de tous les citoyens aux affaires du pays, mais l’égalité sociale s’est aussi offerte à moi de toutes parts, dans les fortunes, dans les professions, dans toutes les habitudes.

Il existe peu de grandes fortunes ; les chances du commerce, qui les élèvent, les renversent quelquefois ; et, dans tous les cas, elles ne survivent point à l’égalité des partages établis par la loi des successions.

Les professions, dont la diversité est si grande, ne font naître, entre ceux qui les exercent, aucune dissemblance de position. Je ne parle pas seulement ici de la Pensylvanie, où l’influence des quakers a fait considérer l’égalité des professions comme un dogme religieux, mais de tous les États de l’Union américaine. Partout les professions, les emplois, les métiers, sont considérés comme des industries ; le commerce, la littérature, le barreau, les fonctions publiques, le ministère religieux, sont des carrières industrielles ; ceux qui les suivent sont plus ou moins heureux, plus ou moins riches, mais ils sont égaux entre eux ; ils ne font pas des choses pareilles, mais de même nature. Depuis le domestique, qui sert son maître, jusqu’au président des États-Unis, qui sert l’État ; depuis l’ouvrier-machine, dont la force brutale fait tourner une roue, jusqu’à l’homme de génie, qui crée de sublimes idées ; , tous remplissent une tâche et un devoir analogues