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ils ont sans cesse besoin les uns des autres, les affaires les obligent à des communications perpétuelles ; aussi est-il passé en principe, chez eux, qu’on doit en toutes choses se rendre mutuellement service. Elle est également favorisée par l’égalité des conditions ; tous les Américains ont les uns pour les autres la même bienveillance que chez nous les membres d’une même classe ont entre eux. Cette sociabilité, dont l’Européen sent vivement le prix, perd quelquefois une partie de son charme. L’habitant de la Nouvelle-Angleterre ne voit, dit-on, dans les rapports sociaux qu’une occasion de commerce et de trafic. Quand il aperçoit un nouveau venu, il se fait d’abord cette question : « N’y-aurait-il pas quelque affaire à traiter avec cet homme ? »

Il ne faut pas confondre la sociabilité des Américains avec l’hospitalité. En général, les Américains sont peu hospitaliers ; l’hospitalité demande des loisirs que l’homme d’affaires ne possède pas. Je dis en général, parce qu’il existe dès exceptions nombreuses à cette règle ; j’en ai fait personnellement l’expérience ; mais ici je présente des aperçus qui ne s’appliquent qu’au plus grand nombre.

Sur ce point, il faut distinguer les États du Sud de ceux du Nord. Tous les États du Sud ont des esclaves ; ce fait exerce une immense influence sur les mœurs des méridionaux. Les esclaves travaillant, les hommes libres sont oisifs. Les habitants du Sud ont ainsi des loisirs qui manquent aux hommes du Nord ; ils peuvent recevoir les hôtes qui leur arrivent sans abandonner leurs affaires. Presque tous vivent dans des habitations éloignées les unes des autres et distantes des villes ; la visite d’un ami, le passage d’un étranger, sont pour la demeure solitaire un accident heureux qui, loin de troubler l’habitant des champs, le réjouit vivement. Pour des gens inoccupés, tout passe-temps est précieux. On peut dire aussi, en termes généraux, qu’à la ville on se voit et qu’à la campagne on se reçoit. De ces faits découlent plusieurs conséquences ; les relations des hommes du Sud, étant moins intéressées, sont plus agréables que celles des habitants du Nord ; ceux-ci, espérant tirer profit de leurs moindres rapports sociaux, ont une bienveillance universelle ; les premiers, qui mettent moins de calcul dans leurs procédés, sont plus sincères ; les uns apportent dans leurs manières une régularité qui a quelque chose de légal ; les autres, moins compassés, ont plus de franchise et d’abandon. Comme l’existence d’une population esclave établit une classe inférieure, tous les blancs du Sud se considèrent