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là, comme dans le reste de l’Union, le duel est sévèrement puni par la loi (V. Statute laws of Tennessee) ; mais ce n’est pas la loi qui, dans ces États, l’empêche ; c’est la barbarie des mœurs. Là on se bat et l’on se tue plus qu’ailleurs ; mais le duel s’y montre avec des formes tellement sauvages, qu’il perd son nom pour prendre celui d’assassinat. Il n’est pas sans doute sans exemple que, dans le Kentucky, le Tennessee, le Mississipi, la Georgie, Alabama et dans une partie de la Louisiane, des duels véritables n’aient eu lieu et se soient passés loyalement ; mais le plus souvent les combats que se livrent deux individus sont des attaques imprévues, instantanées ou des guet-apens. Dès qu’une discussion s’élève entre deux hommes, pour peu qu’elle devienne vive et qu’un mot injurieux soit prononcé, vous les voyez aussitôt se placer dans l’attitude de deux combattants ; armés d’un poignard et d’un couteau dont tout habitant de ces contrées est nanti, ils se frappent l’un l’autre avec une extrême rapidité ; et celui qui tarderait à se préparer à la lutte serait victime de son hésitation. Il arrive souvent que de vieilles querelles qu’on croit éteintes depuis long-temps se raniment au bout de deux ou trois ans, et leur réveil s’annonce par le meurtre de l’offenseur ou de l’offensé.

Les causes de cet état de choses sont nombreuses ; j’indiquerai les principales. Dans les pays dont il s’agit ici, la société est en quelque sorte naissante. L’individu est réduit à ses propres forces pour soutenir son existence, pour se protéger dans sa demeure isolée de toute habitation. Il n’entre que fort rarement en contact avec la société civile, et s’accoutume à devoir tout à lui-même ; de là le principe de se faire justice, au lieu de la demander à la loi. Une des conséquences nécessaires de la vie sauvage est de placer le plus grand mérite de l’homme dans sa force physique, et d’attribuer une plus grande part à l’individu qu’à la société. Ce même fait doit se trouver chez tous les peuples, selon que leurs mœurs se rapprochent plus ou moins de l’état sauvage.

Les habitants de l’Ouest et du Sud, dispersés çà et là au milieu d’immenses contrées, n’entretiennent entre eux que de rares communications ; le plus grand nombre ont des esclaves, et par conséquent ils ne travaillent pas ; tout leur temps se passe entre la chasse et l’oisiveté. C’est la vie féodale sans la chevalerie, sans la galanterie, sans l’honneur. Enfin les rapports avec leurs esclaves leur donnent des habitudes de domination et de violence qui sont en opposition directe avec les principes de l’état social.