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les actions, favorisent le duel, comme le travail et les habitudes régulières qui en découlent le combattent. 4º L’existence dans le Sud de la population esclave, c’est-à-dire d’une classe inférieure. Les rangs établis dans une société favorisent le duel. Il se forme, parmi les membres d’une classe privilégiée, des traditions d’honneur et de bienséance, des préjugés de caste, des besoins de distinction, qui doivent rendre le duel plus fréquent que dans une société d’égalité parfaite. Du reste, même dans les États du Sud, le duel repose plutôt sur des idées de justice que d’honneur.

Chez nous l’outrage qui rend un duel nécessaire est bien moins dans le fait que dans l’intention. Aussi voyons-nous les causes les plus frivoles servir d’occasion à de graves querelles.

L’injure étant tout idéale et de convention, elle n’a point d’équivalent possible : le duel seul peut la réparer.

Dans le Sud des États-Unis, au contraire, c’est le fait matériel qu’on venge par le duel, bien plus que l’intention ; et ce fait est appréciable comme tout dommage ordinaire.

Un exemple va rendre sensible cette différence.

En Amérique, dans plusieurs États du Sud, si celui qui a reçu un soufflet en rend un autre, on estime que les parties sont quitte, et la querelle en reste là. Pourquoi ? C’est qu’en partant du point rationnel, un fait est l’équivalent de l’autre ; il y a deux injures parfaitement pareilles qui se compensent ; chaque bassin de la balance est chargé d’un poids égal ; il y a réparation logique. Celui qui fait ce raisonnement pèche, il est vrai, contre la société, qui défend à ses membres de se faire justice eux-mêmes ; mais c’est là son seul tort ; car du reste il est dans les principes du droit.

Chez nous, au contraire, comme on procède d’un autre principe, qui est le préjugé de l’honneur blessé, on arrive à une tout autre conclusion. Nous disons : « Celui qui a reçu l’offense d’un soufflet est couvert d’infamie s’il ne lave son injure dans le sang de l’offenseur. En a-t-il rendu un autre ; l’agresseur qui l’a reçu se trouve dans une position identique, et sera frappé du même déshonneur s’il n’obtient pas la même réparation que son adversaire est forcé de lui demander ; de sorte qu’au lieu d’une personne qui a besoin du duel pour se réhabiliter, il y en a deux. »

J’ai dit en commençant que, dans les nouveaux États de l’Ouest et dans quelques États nouveaux du Sud, le duel n’existe pas ;