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d’un vol considérable, accompagné des circonstances les plus aggravantes, et qui, après avoir obtenu sans peine une caution et sa liberté, s’était évadé.

Ces abus ne tiennent pas seulement au principe ; si j’en crois des témoignages qui m’ont paru dignes de confiance, les juges-de-paix, auxquels appartient l’exercice du droit de mise en liberté sous caution, ne sont pas toujours à l’abri de la corruption ; et la caution est d’autant plus facilement admise par eux, que celui qui la présente a pris plus de soin de les intéresser. Celui-ci craint peu qu’on découvre la concussion ; le prévenu, obtenant sa liberté provisoire, disparaît, et la seule preuve à la charge du juge prévaricateur s’évanouit. Le mal provient de ce que ces juges inférieurs n’ont point de traitement fixe ; ils n’ont que des épices (fées) ; ils sont ainsi fort âpres sur le casuel ; plusieurs, ne tirant de leurs fonctions légales qu’un très-modique revenu, sont portés à des exactions qui l’accroissent.

Du reste, indépendamment de ces causes particulières qui contribuent à augmenter le mal, il y a une cause générale qui me paraît dominer toutes les autres.

Le vice capital est, selon moi, dans le fait même d’une institution aristocratique établie chez un peuple où règne la démocratie. La loi qui reconnaît à tout prévenu le droit d’être mis en liberté moyennant caution a été faite au profit des riches. Elle concède ainsi aux classes supérieures de la société un privilége exorbitant dont les classes pauvres sont exclues. Cet état de choses se conçoit en Angleterre, mais d’où vient qu’il se rencontre aux États-Unis ? En voici la raison. Cette loi se trouve en Amérique parce qu’elle existait en Angleterre lorsque les émigrés de ce pays sont venus s’établir sur le sol américain. Cependant, depuis cette émigration, de nouvelles institutions ont été fondées aux États-Unis, de nouvelles mœurs se sont formées ; une loi tout aristocratique se rencontre au sein d’une démocratie pure ; c’est une anomalie frappante.

Cette contradiction sert à expliquer les abus qui viennent d’être signalés. L’extrême facilité avec laquelle le pauvre trouve des cautions le fait jouir d’un privilége qui, dans l’esprit de la loi, était réservé au riche seul ; les mœurs démocratiques des Américains dépouillent ainsi l’institution de son premier caractère. L’harmonie est ainsi rétablie entre la loi civile et les institutions politiques ; mais il reste toujours un grand mal. C’est un vice incontestable, dans une législation criminelle, que le droit